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Self as disappearance

Adam Pendleton, Peggy Buth, Coco Fusco, Renzo Martens, Adrian Piper, William Pope L., Joe Scanlan, Haegue Yang.

Du Vendredi 19 Février au Dimanche 23 Mai 2010


Commissaire : Mathieu K. Abonnenc

Self as disappearance s'inscrit dans une discussion ouverte depuis plus d'une dizaine d'années par quelques expositions majeures : de la seconde Biennale de Johannesburg en 1997 à Afro Modern: Journey through the Black Atlantic présentée actuellement à la Tate Liverpool. Ces expositions ont mis en perspective les mutations subies par les présupposés et idéaux modernes, après qu'ils aient été réécrits par celles et ceux qui étaient considérés comme des sujets périphériques et/ou subalternes. Elles ont par ailleurs souligné l'existence d'une culture transatlantique hybride, née de la '' formation interculturelle et transnationale '' que Paul Gilroy nomme '' L'Atlantique Noir ''(1).

Dans cette lignée, l'exposition Self as disappearance tente de faire émerger l'image d'un sujet '' en traduction '', revenu de toutes les terreurs historiques, qui l'ont poussé toujours plus loin de son foyer.

Les œuvres de Renzo Martens, Coco Fusco, et Peggy Buth présentées dans l'exposition oscillent entre récit intime au paroxysme d'une guerre civile et ethnique, réécriture située de l'histoire des Etats-Unis, et constat de la conservation muséale d'anciennes entreprises coloniales. Elles s'insinuent dans des récits de conflits passés ou récents (la Tchétchénie pour Martens, la lutte d'indépendance des Philippines pour Fusco, la colonisation du Congo pour Buth), afin de mieux les faire se disjoindre, de les exposer à nouveau aux regards, alors que nous les avions crus assignés à jamais aux périphéries de nos sphères médiatiques. Si la guerre est bien l'un des horizons de cette exposition, elle apparaît moins comme un sujet que comme une rumeur au loin, une hantise terrifiante, une '' pression '' qui nous pousserait à réaliser au plus tôt une communauté '' en-dehors de l'entente ''(2).

Lorsque Renzo Martens s'avance dans des territoires interdits armé d'une petite caméra et d'une question fragile, ce n'est pas l'autre qu'il cherche, mais plutôt une image de lui-même. Cette question de l'image de soi, mais aussi du récit de soi, traverse toute l'exposition. A l'aune de la globalisation, de '' l'archipélisation des continents par delà les frontières nationales ''(3), pour emprunter quelques mots à Edouard Glissant, qu'en est-il de l'identité d'un individu qui se serait construit de lieu en lieu, de migration en migration ? Qu'en est-il de cet individu au récit discontinu, fait de dislocations, ce Je multiple et multiplié, qui pourtant ne serait pas sans origine, mais toujours né de l'écart entre son lieu d'origine et ses lieux d'arrivée, de transit ?

Incompréhension du langage, fausse identité, ou désirs inassouvis, c'est l'éventail des effets produit par les déplacements, tout autant sémantiques que physiques, que nous permettent d'expérimenter Adam Pendleton, Joe Scanlan et Haegue Yang, nous rapprochant ainsi un peu plus du dénuement total de celui que l'on pourrait nommer, le '' migrant nu ; c'est à dire celui que l'on a transporté de force sur le continent et qui constitue la base de peuplement de cette espèce de circularité fondamentale qu'est la Caraïbe ''(4). Mais la Caraïbe s'est déplacée, et nos rivages, de Chine, d'Afrique ou d'Europe, peuvent désormais tout aussi bien faire l'affaire.C'est avec les œuvres de William Pope. L. et Adrian Piper que nous nous rapprochons le plus de ce '' migrant nu '', car elles exposent ce moment où il ne reste plus rien, et transforment le drame de la dépossession (5) en une ultime stratégie de survie.

Les artistes réunis pour cette exposition partagent un même rapport au regard et au spectateur, car lorsqu'il est impossible de regarder en face, droit dans les yeux, on regarde de côté, de trois quarts, de profil ou de dessous. C'est un peu ce qui sera demandé aux visiteurs de Self as disappearance, face à des œuvres qui instaurent  leurs auteurs en trace. Elle/il devra concentrer ses forces pour appréhender les œuvres de biais. Refusant absolument le mode de l'affirmation, l'exposition se construit comme un espace de négociation qui se voit traversé de désirs et d'identifications, voire d'identités toutes contradictoires et résolument ouvertes.

Mathieu K. Abonnenc

 

(1) Paul Gilroy, The Black Atlantic. Modernity and double consciousness, Éditions Verso, 1993. L'Atlantique noir. Modernité et double conscience, Éditions Kargo, 2003.
(2) Maurice Blanchot, La communauté inavouable, Editions de minuit, Paris, 1983.
(3) ''Je crois que les continents s'archipélisent par delà les frontières nationales", Édouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, Éditons Gallimard, Paris,1996.
(4) ibid.(5) ''Pope L. a nommé de multiples façons les principes à partir desquels il travaille, mais ''lack-worth-having" (le fait de manquer comme étant préférable) et ''have-not-ness'' (le fait de ne pas avoir) condensent particulièrement bien le sens de son travail - le premier étant la manière dont il décrit le fait d'être noir, le second étant sa définition de la condition destituée de nombreux membres de sa famille habitants en ville, et avec lesquels Pope L maintient des contacts étroits mais sporadiques, depuis le Maine, où il enseigne actuellement - étant donné que ses performances sont véritablement des méditations sur l'impermanence, et de fait sur la dépossession, comme une forme de condition humaine." Darby English, How to see a work of art in total darkness, chap. 5, The aesthetics of dispossession. William Pope.L's performance interventions, MIT Press, Cambridge, 2007.

 

Le titre de l'exposition est un emprunt à l'œuvre de Sturtevant : Copy without origins: Self as disappearance.

 

 

 

PEGGY BUTH
Peggy Buth est née en 1971 en Allemagne, elle vit et travaille à Berlin.
Elle est représentée par la galerie Klemm's à Berlin. www.klemms-berlin.com

COCO FUSCO
Coco Fusco est née en 1960 à New York, elle vit et travaille à New York. www.thing.net/~cocofusco/

RENZO MARTENS
Renzo Martens est né en 1973 aux Pays-Bas, il vit et travaille à Bruxelles, Kinshasa et Amsterdam. Il est représenté par la Galerie Fons Welters, à Amsterdam. www.fonswelters.nl

ADAM PENDLETON
Adam Pendleton est né en 1980 à Richmond aux Etats-Unis. Il vit et travaille à New York. Il est représenté par la galerie Haunch of Venison. www.haunchofvenison.com / www.welcometolab.org

ADRIAN PIPER
Adrian Piper est née en 1948 aux Etats-Unis. Elle vit et travaille à Berlin, où elle dirige l'Adrian Piper Research Archive. Elle est représentée par la galerie Elizabeth Dee à New York. www.elizabethdeegallery.com / www.adrianpiper.com

WILLIAM POPE L.
William Pope L. est né en 1955 à Newark, aux Etats-Unis. Il vit et travaille à Lewiston dans le Maine. Il est représenté par la galerie Mitchell Innes and Nash à New York et par la galerie Catherine Bastide, à Bruxelles. www.miandn.com

JOE SCANLAN
Joe Scanlan est né en 1961 aux Etats-Unis, il vit et travaille à Berlin et New York. Il est représenté par la Galerie Valentin, à Paris. www.thingsthatfall.com / www.galeriechezvalentin.com

HAEGUE YANG
Haegue Yang est née en 1971 en Corée, elle vit et travaille à Berlin et à Séoul. Elle est représentée par la Galerie Barbara Wien à Berlin. www.heikejung.de  / www.barbarawien.de

MATHIEU K.ABONNENC
Mathieu K. Abonnenc est né en 1977 à Paris en Guyane. Il vit et travaille à Paris. Il est représenté par la galerie Hussenot à Paris et la galerie De Expeditie à Amsterdam qui lui ont consacré chacune une exposition personnelle en 2008. Son travail a été montré dans diverses expositions collectives dont le Frac Languedoc Roussillon à Montpellier (2006), le centre d'art La Galerie à Noisy le Sec (2007), le Printemps de Septembre à Toulouse (2007), le Jeu de Paume Hors les murs à Nogent sur Marne (2008), ou plus récemment le Frac Lorraine à Metz (2009).

Le centre d'art a accueilli Mathieu K. Abonnenc en résidence, de février à avril 2009. L'invitation qui lui est faite d'être commissaire d'une exposition à Delme permet ainsi de prolonger les recherches initiées pendant sa résidence. Mathieu Abonnenc s'intéresse plus particulièrement à l'histoire de la colonisation, aux identités qui se construisent ou se déconstruisent au fil du temps fait de conquêtes, d'expropriations, de transmissions conscientes ou inconscientes. Lui-même né en Guyane et y ayant grandi, il n'est pas insensible à une part de l'histoire coloniale passée sous silence, ou mise à l'écart dans l'inconscient collectif. Ses dessins, photographies ou vidéos évoquent les vides laissés par l'histoire. Dans la série de dessins intitulés Paysages de traite (2004-2007), il évacue les personnages, esclaves et colons, présents dans les gravures originales qui illustraient la mission de Jules Crevaux, explorateur-colon du XIXème siècle. Il travaille actuellement à une série d'entretiens avec la réalisatrice d'origine guadeloupéenne Sarah Maldoror, ainsi qu'à un projet autour du Tiers-Cinéma, associé aux processus de décolonisation en Afrique et en Amérique du Sud, à la fin des années 60 et dans les années 70.